lundi 2 janvier 2023

Tempêtes


 Tempêtes


1 janvier 2023

 

De toute ma vie, je n’ai souvenir que de trois tempêtes. Et ce n’est pas celle de la semaine dernière qui me fera changer d’avis.

 

Le corps et l’esprit se préparent longtemps, traversant des journées blanches et venteuses, de celles qui donnent à rêver de congés inopinés où il ferait bon de préparer des gaufres à la vraie levure, de celles qui feraient « sphiiitt « sur la plaque brûlante.

 

Mais ce ne sont là que des répétitions. La générale peut se passer dix ans plus tard, d’où la nécessité de garder le cap, de ne pas ranger la pelle trop loin. En principe, la persévérance finit par récompenser.

 

Elles donnent à rêver ces journées où, le nez collé à la fenêtre, on peut regarder l’enflure du temps, tracer les graphiques de l’imaginaire, comparer l’incomparable, le tout blanc, le tout opaque, obéissant à des lois d’une nature démontée et révoltée.

 

Le pays n’est plus à l’hiver. Il a rangé son passé en sortant ses chasse neige aussitôt le premier centimètre tombé. Il faut faire place nette, et, comme des voyageurs déterminés préparent leurs tickets et leurs bagages, bien contrôler les heures de départ et les heures d’arrivée, ausculter les informations météo comme le cœur d’un patient en réanimation. Cela fait plus sérieux.

 

Les vraies tempêtes se passent ailleurs et les soucis des catastrophes m’obligent à ne pas les souhaiter. Voir son garage s’envoler, les bardeaux voler jusqu’à la rue voisine ne font de bien à personne. C’est donc la force de la tempête sans les soucis de la destruction dont je rêve, c’est l’imprévu de la lame sur la route déserte, chercher sa route sans rien distinguer, les phares allumés qui n’éclairent rien hormis les deux mêtres devant soi. C’est la haute voltige des flocons sans le trapèze que je convoite, le parcours erratique des éléments, juste avant la pause de l’accalmie.

 

De repenser à ces moments intrépides me ramènent le souvenir qu’une quatrième tempête, de fait la plus dangereuse pour qui roule la nuit, lorsque la campagne en panne d’électricité ne révèle plus rien d’un tracé qu’hier encore, je connaissais par cœur. 

 

Entre ville et campagne, deux réalités, et si j’ai troqué cette année la seconde pour la première, le souvenir ne s’est pas estompé pour autant. C’est que l’attention est décuplée, quand ce n’est pas pour soi, c’est pour l’autre que l’on attend, que l’on sait être en chemin, que bien naïvement on croit guider avec un feu de bois et ses fumées vagabondes.

 

Peu importent les souvenirs, les envolées lyriques d’une neige fraîche, les braises ou les cendres d’un feu, rien n’est si noir, rien n’est si blanc. Le  printemps , dans quelques semaines reviendra. 

 

Véronique

© 2023 Véronique Poussart